Il y a près de vingt ans, Paul McCreesh lançait ses troupes des Gabrieli Consort & Players sur la piste d’un de ses projets fous de l’époque : une reconstitution possible de la partie musicale (mais pas que) d’un culte luthérien du jour de Noël, dans l’Allemagne du nord au début du dix-septième siècle.Ce disque, puis-je l’avouer, fait partie des CDs dits de Noël que je réécoute chaque année depuis sa parution, et ce, le matin (ou ce qu’il en reste) du jour de la Nativité.

Le compositeur principal convié à la fête est Michael Praetorius, membre d’une nombreuse lignée de musiciens luthériens ayant œuvré principalement dans les cressrégions orientale et septentrionale de l’Allemagne de l'époque. Scheidt et Schein sont aussi de la partie.

McCreesh a fondé son projet de reconstitution sur l’ordre du culte de Wolfenbüttel, ville au sud de Hambourg où Michael Praetorius oeuvra au service du duc de Brunswick. Le rite devait beaucoup aux directives de Luther tout en continuant à suivre la structure de la messe romaine mais la musique de Praetorius requiert une dimension supplémentaire : la participation active des fidèles. C’est toute une communauté – musiciens professionnels, enfants des écoles, amateurs – qui participe à l’événement, l’ensemble des fidèles apportant leur contribution pour certaines strophes des chorals. McCreesh respecte ici ce que l’on connaît des recommandations de Praetorius. Les chorals sont exécutés en alternatim, mêlant strophes choraliter (les fidèles) et figuraliter (les chœurs instrumentaux et vocaux). Naît de cette pratique une grande variété d’atmosphère, y compris dans des pièces aussi connues que le Puer natus in Bethlehem, le Vom Himmel hoch da komm ich her ou le Quem pastores laudavere.

Avant le début de la messe proprement dite, la procession arrive sur le Christum wir sollen loben schon de Martin Luther(très bien rendue dans cet enregistrement d’une remarquable qualité technique), suivie de l’Introit sur le Puer natus in Bethlehem. Ces deux premières pages suffiraient à convaincre de ce que pouvait être la ferveur dans une époque de rare dureté (on est très près de l’affreuse guerre de Trente ans qui vit la population allemande réduite d’un tiers). 

Puis le culte proprement dit débute avec Kyrie et Gloria (les solistes des Gabrieli, dont Tessa Bonner et Julian Podger, y sont formidables), puis le pasteur récite la collecte et l’épitre est donnée en allemand. Suit le Graduel (le Vom Himmel) – je défie qui que ce soit de rester de marbre en entendant cette plage ! -avant lecture de l’Evangile du jour de Noël (ici, Luc) et le Credo. Dans la réalité, le prédicateur montait en chaire pour un sermon d’une bonne heure. Ici, un prélude d’orgue, l’hymne Quem pastores et la sublime Padouane de Schein précèdent la Préface enchaînant au Sanctus. La communion (on entend deux superbes motets) précède la bénédiction, un hymne final (Puer nobis nascitur), un Voluntary à l’orgue et une récession formant pendant de la procession initiale, sur le célèbre In dulci jubilo.

J’ai déjà employé le mot ferveur car c’est le maître-terme de cet enregistrement. La musique appelle cet engagement, mais ici les Gabrieli Consort & Players, auxquels il convient de joindre les chœurs de garçons et de la congrégation de la cathédrale de Roskilde, au Danemark, font plus que contribuer à la réussite du projet. Bien loin des disques compassés supposés célébrer la fête de la Nativité, nous avons, avec cet enregistrement, un vrai acte de foi tout court et de foi musicale en particulier, qui amène l’auditeur à se sentir participant à ce culte. Des disques qui donnent autant le sentiment d’être dans le lieu même, j’en connais peu. Oui, décidément, sans doute LE disque à écouter, bien au chaud, au matin du 25 décembre ….. et de temps à autre aussi.

Michael Praetorius (1571-1621) : Messe de Noël

Gabrieli Consort & Players

Choeur de garçons et de la congrégation de la cathédrale de Roskilde

Direction : Paul McCreesh

Enregistré en octobre 1993

CD Archiv Produktion 439 250-2

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